Camisole chimique

Démarré par Arthur, 16 Avril 2003, 18h18mn

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Arthur

Bonjour,
Que pensez-vous de la camisole chimique ?
Celle qu'on continue à appliquer, pour ne pas dire imposer, à des patients en famille d'accueil depuis près de 10 ans. Intégrés, donc maintenant parfaitement stabilisés.
Camisole chimique avec ses effets secondaires, vieillissement prématuré, constipation, hypotension orthostatique, etc
Effets secondaires peut-être plus problématiques à notre niveau que la cause première qu'elle est censée contenir.
Il y a quelques années, une intervenante (qualifiée), lors d'une journée de formation, a évoqué le problème et a conseillé aux familles d'accueil présentes de réduire progressivement ce matraquage thérapeutique.
Mais n'est-ce pas, d'abord et avant tout, et uniquement, au médecin de le faire ?
N'a-t-il pas obligation au moins d'essayer ?
Cordialement,
Arthur

Étienne

Le terme "camisole chimique" utilisé par Arthur peut faire bondir.
Mais je peux témoigner qu'en arrivant ici, après 8 années d'hospitalisation, Éric était "blindé". Il passait ses journées couché ou avachi sur une chaise, à contempler ses chaussures. A notre demande, son toubib a accepté de tenter une réduction progressive de ses doses de médicaments.

Première étape, division par 2 (une seule prise le soir au lieu de 2 par jour). Il s'est mis à s'intéresser à ce qui se passait autour de lui...
Deuxième étape, un mois après : réduction des dosages. Il s'est mis à prendre des initiatives et à vouloir donner des coups de main, en affirmant : "mais ça, je peux le faire !"
Troisième étape : suppression de 2 médicaments sur 3. Depuis quelques années, il ne prend prend plus qu'un comprimé de Solian 200 par jour. Il participe aux tâches ménagère, s'occupe du jardin, nous ramène des champignons, vend les cerises ou les châtaignes qu'il ramasse pour se faire de l'argent de poche, participe aux fêtes du village, fait ses petites courses en cyclomoteur...

De son côté, Yves a jeté en cachette tous ses médicaments à la poubelle, quelques semaines après son arrivée. C'est un grand gaillard costaud, volontaire et le toubib a bien du se plier à sa décision...  Il ne nous reste plus que son flacon de calmant "à utiliser en cas de crise", caché dans un tiroir de notre chambre. En 20 mois, nous n'en avons jamais eu besoin...

Les cas d'Éric et d'Yves ne sont pas généralisables : il s'agit d'exemples, pas de modèles. Le fait qu'ils soient suivis par des docteurs sympas et compréhensifs nous rassure. Personnellement, je pense que les médicaments peuvent être nécessaires mais "point trop n'en faut". Ca vaut le coup d'en discuter avec les toubibs, quelquefois trop inquiets et prudents...

Anticamisolément,
Étienne

Dr G.

Question difficile!
En tant que psychiatre, je vous donne entièrement raison sur le principe de tenter systématiquement une réduction des doses de psychotropes chez les patients psychotiques stabilisés. C'est ce que j'essaie de faire dans ma pratique, mais il y a une grosse hétérogénéité dans les pratiques des psychiatres. Il m'arrive assez souvent d'avoir un peu honte des ordonnances de collègues. Je ne suis pas forcément très représentatif...
D'un autre côté, nous sommes souvent ceux qui ont assité à la période "d'avant", celle où ces mêmes personnes étaient inexorablement réhospitalisées plusieurs fois par an, parfois avec des conséquences gravissimes. Je crois que dans ce cas, la tentation plus ou moins consciente du médecin est de "verrouiller" la situation avec le traitement qui a permis de passer un cap... Mais c'est oublier que le temps améliore souvent spontanément les choses, que les patients changent en bien.
Il ne faut pas négliger non plus l'apport thérapeutique de l'AF en soi, qui par sa richesse affective peut suffire à stabiliser et à sécuriser un patient qui aurait rechuté malgré un lourd traitement dans un autre cadre (seul à l'hôtel... souvent).
Plus largement, vos propos illustrent une chose à laquelle je crois beaucoup : le regard neuf. C'est la chance qui devrait être donnée à chacun, y compris à nous même! Souvent, le changement de psy pour un patient se traduit par un allègement significatif des doses.
Personnellement, quand je reprend le suivi d'un patient au lourd passé, je fais une chose discutable, et même condamnable : je ne lis pas l'ancien dossier (ou en diagonale). Ca évite de partir d'emblée avec des préjugés...
Ceci dit, vous êtes témoins d'évolutions positives, et votre travail y est pour quelque chose.
Mais on a parfois aussi des mauvaises surprises. J'ai récemment fait le pari d'une grosse réduction de traitement chez un patient très stabilisé, que je n'avais personnelement jamais vu dans un état psychotique : catastrophe! Je l'ai retrouvé amaigri, avec les pensées en boucles et totalement désorganisées...
Bref, statistiquement, il y a un risque dans certains cas, mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas tenter la réduction systématique des doses, s'il y a un cadre qui permet de le faire sans risque et de "rattrapper le coup".
Voilà! Il ne faut pas oublier que les psychiatres sont parfois aussi des gens qui se préservent et qui jouent la carte de la tranquillité. C'est regrettable, et c'est tout le rôle des associations de familles et de patients de se faire entendre, sans tomber dans une antipsychiatrie stérile. Il est parfois un peu inquiétant d'entendre des gens préconiser le zéro traitement en toute circonstance : c'est vraiment ignorer totalement ce qu'était la maladie mentale avant 1952 (invention des neuroleptiques) :
des pavillons énormes où des malades hurlaient du matin au soir, se mutilaient, mourraient avant la cinquantaine... Evidemment, ça se passait hors des yeux du bon peuple, et c'était plus confortable que d'avoir des schizophrènes plus ou moins bien "recollés" au milieu de nous. La fréquentation quotidienne des malades mentaux impose une mise ne danger permanente de soi même et des ses certitudes.

brigitte slimane

je suis accueillante familiale depuis sept ans maintenant, et je suis tout à fait d'accord avec vous, dans ma petite carriere, j'ai vecue les deux experiences avec des residents, pour une alleger les medicaments en association avec l'apport affectif de la famille d'accueil, a etait tres positif, et la residente au bout de deux ans a pu repartir sur un nouveau placement plus autonomisant.
pour la seconde ça a ete une catastrophe, les medicaments avaient des effets secondaires qui etaient difficile sur le plan physique, mais dans la tete la personne etait sereine, alleger les medicaments a eu un effet positif sur le physique mais les angoisses et les troubles mentaux ont repris le dessus violament, cette personne se mettait en danger elle et notre famille aussi.
aucune solution n'est parfaite, elle s'adapte au mieux aux personnes dans leurs cas particuliers.
j'ai beaucoup d'admiration pour votre metier, et surtout pour des gens qui le pensent comme vous
amicalement
brigitte

Michèle

Maman a été admise en maison de retraite "unité protégée" en octobre 2003.
Malgré sa maladie d'Alzheimer, en octobre 2003 elle aimait encore chanter et danser.
Après certains signes agressifs, maman a été mise sous camisole chimique en janvier 2004. C'est tout simplement une solution de facilité, pour ménager le personnel soignant.
Maman dormait du matin au soir, complètement abrutie par ses médicaments. Elle ne mangeait plus et ne buvait plus.
Conclusion, début mai 2004, elle a été hospitalisée dans un état clinique grave (état comateux), déshydratation totale, problème de reins et de poumons.
Je passe sur les détails les plus douloureux
Elle a énormément de mal à remonter la pente.
Quoi il en soit je suis à nouveau à la recherche d'une unité de soins à condition qu'elle s'en sorte. A ce jour le diagnostic est très réservé.

Uhlmann

Bonjour
Une question j'avais un fils handicapé qui résidait dans un FAM depuis 45 ans et qui est décédé d'une embolie pulmonaire subitement et je sais même pas de quoi était composé comme substance, et ma question esque la camisole chimique pourrait être responsable directe ou indirecte d'une embolie pulmonaire.
Je vous remercie d'avance mon fils est décédé en août dernier et je m'en suis pas remis encore 45 ans d'accompagnement 30 ans de tutelles et je m'en remet pas. Uj

Belén

Bonjour Uhlmann,

Nous pouvons comprendre votre peine et votre besoin d'avoir des réponses. Cela dit, ce forum est dédié à l'accueil familial. Je pense que nous ne pouvons pas répondre à votre question...
Respectueusement
Belén Alonso