Cigarettes, mégots, aide et accompagnement

Démarré par Isabelle, 05 Novembre 2014, 14h01mn

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Isabelle

Bonjour,

ce sujet pourrait être un sujet de philo du bac...
hier j'ai participé à une réunion fort intéressante avec le CG, l'accueil de jour et le tuteur de l'un de mes accueillis. L'objectif de cette rencontre était simplement de faire le point après un an d'accueil. C'est un accueil qui se passe très très bien la réunion était donc très "détendue" et positive.

Nous avons tout de même abordé un point plus délicat de cet accueil : la gestion des cigarettes.
Lorsque ce Mr est arrivé chez nous, il y a un peu plus d'un an, sa famille avait limité sa consommation à 3 cigarettes/jours et m'avait demandé de respecter cette règle.
Il fumait jusqu'à 1 à 2 paquets par jour avant qu'ils n'interviennent et ne limitent sa consommation.

Ce Mr ramasse aussi des mégots et personne ne parvient à l'en empêcher...il en ramassait quand il fumait 2 paquets/jour et il en ramasse encore aujourd'hui...

Hier, nous avons donc longuement discuté sur les limites de notre rôle d'aidant ...
- avons nous le droit de limiter la consommation de cigarettes d'un adulte incapable de gérer cette consommation ?
- limiter à combien de cigarettes/jour ?
- pourquoi le limiter ?
- jusqu'où va notre rôle d'aidant ?
- Est-ce aider quelqu'un en lui imposant des règles qu'il ne souhaite pas ?
- Est-ce l'aider en le laissant seul dans sa gestion quotidienne ?
- et bien d'autres interrogations...

j'ai trouvé cette rencontre très très intéressante et très enrichissante.
J'ai pris l'exemple des cigarettes mais cela s'applique biensur pour d'autres situations...

Ce métier d'accueillant familial me passionne et j'ai la chance de travailler avec un CG et un HP qui m'aident beaucoup dans ma pratique et mes réflexions...

Bonne journée à tous...

Emilie

Bonjour Isabelle,

Concernant un de mes accueillis, je suis quasiment dans la même situation que vous. J'accueille un ancien gros fumeur avec une tendance a ramasser tous les mégots. La famille (tutelle) avait limité la consommation de cigarettes car la personne disposait de peu de ressources et ne pouvait donc pas se payer ses deux paquets quotidiens (6€90 le paquet x2 x30 = 414 euros). Je vais tenter de répondre à vos questions dans ce que nous avons pu mettre en pratique pour ce monsieur.

- avons nous le droit de limiter la consommation de cigarettes d'un adulte incapable de gérer cette consommation ?
Il y a des textes de lois qui s'opposent dans ce sens, tout d'abord, la liberté de choix et le respect des décisions de la personne en situation de handicap. Nous sommes tenus de les respecter, mais dans le même temps nous devons veiller au bien-être et à la sécurité de la personne accueillie. Fumer ne nuit-il pas à la santé ? D'autre part, les questions de sécurité, notre maison accueille du public, et donc aux vues de la loi Evin, il est interdit de fumer dans un espace accueillant du public. Ceci est une application de la loi. J'imagine mal laisser mon résident la nuit avec briquet et cigarettes au risque de mettre le feu à la maison (au vue de sa pathologie). Donc laisser fumer oui, mais en prenant compte des ressources, de l'environnement, de la loi, et de la sécurité.

- limiter à combien de cigarettes/jour ?
Pour ma part, la famille a limité la consommation de cigarettes en fonction des ressources disponibles. Soit 6 cigarettes x 30 = 180 cigarettes, soit 9 paquets pour un total de  62.10 euros.

- pourquoi le limiter ?
J'ai posé cette question au médecin traitant, qui après avoir vu une radio pulmonaire, m'a informé de l'intérêt de réduire la consommation de cigarettes, sans pour autant le faire arrêter définitivement. Une consommation maitrisée, reste la meilleure option pour respecter le choix de l'accueilli et en même temps maintenir son équilibre psychique (manque) et physique (toxicité du produit)
Enfin, nous pouvons aussi sensibiliser la personne sur les risques à maintenir une "dépendance" nuisible à sa santé.

- jusqu'où va notre rôle d'aidant ?
Mon rôle est d'apporter du bien être... après, nous sommes aux confins des limites de la bientraitance... où commence-t-elle vraiment ? Quelles sont vraiment ses limites ? Je pense que tant que nous agissons avec bienveillance et pas pour notre confort personnel, ceci ne peut être que positif.

- Est-ce aider quelqu'un en lui imposant des règles qu'il ne souhaite pas ?
Oui, parfois... si cela garantit son intégrité en tant qu'individu... Les pathologies que nous rencontrons tout au long de notre vie d'accueillant sont complexes... Il y a des tas d'exemple autres que la cigarettes. Un accueillis refuse de se laver ou de porter des protections... Que faire dans ce cas là ? Laisser la personne sans limites, ni repères ? Il est évident que nous ne pouvons pas tout imposer à une personne, nous serions dans un cas de maltraitance manifeste, mais si nous agissons avec bienveillance afin de garantir le bien être de la personne, je ne crois pas que nous sommes dans le flou. Je pense que dans chaque cas, il faut se projeter, avoir une réflexion empathique avec l'accueilli mais également prendre en considération ses troubles. Toute réflexion en amont, permet aussi un jour de justifier nos décisions.

- Est-ce l'aider en le laissant seul dans sa gestion quotidienne ?
Cela peut être défini dans le projet de vie...il faut essayer. ça peut marcher! Mais également savoir discerner quand les personnes sont en situation d'échec et que nous pouvons être là pour les seconder dans leur choix.

J'espère avoir pu vous apporter des pistes de réflexions quand à votre prise en charge de cette personne. Bien évidemment, tout ce que j'écris peut également faire l'objet de débat ou de questions, je n'ai aucune réponse ultime...et la remise en question a souvent du bon.
Famidaquement,
Emilie (pourtant fumeuse) :D