Attachement ou distance professionnelle ?

Démarré par marion, 18 Janvier 2012, 09h53mn

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marion

Bonjour,

Nous pratiquons un métier difficile psychologiquement, toute personne normalement constituée est un jour confrontée à la pratique d'une prise en charge distanciée et raisonnable.
Personne ne nous demande d'aimer et de chérir les personnes accueillies. Bien sûr, il y a des gens plus attachants que d'autres, mais nous devons garder à l'esprit que c'est un boulot, rien de plus.
Nous n'avons pas à nous plier en 4, nous devons simplifier le quotidien au maximum : je ne prends pas les repas avec les accueillis, une infirmière libérale passe 2/jour pour les toilettes et l'habillage des personnes dépendantes. Si ça ne plaît pas tant pis... Je ne fais pas 36 menus différents, j'adapte un minimum. Mais ça tout le monde connaît.

Je ne fais pas copain copain avec les familles et le vouvoiement a toujours été de rigueur. Je ne raconte jamais ma vie, et quoi encore !
Nous sommes confrontés à la déchéance et à la mort au quotidien, ce qui forcément nous renvoie à notre propre mort et celle de nos proches, nous devons donc à mon avis rester distants comme l'est le personnel en institution, sinon on y laisse sa peau d'accueillant : dommage !
Une bonne pratique du métier n'est pas une pratique où l'on doit s'investir comme le ferait un fils ou une fille.... et encore ; souvent ils adoptent une distance affective quasi systématique. Quand on veut durer moralement et physiquement, il faut connaître ses limites et les appliquer dès le début. La distance professionnelle est la condition sinequanone pour travailler et progresser, ce n'est que mon avis !
Cordialement, Marion.

Moka

Bonjour Marion,
Mais où est donc passée la convivialité ?
Je crois que l'on ne peut pas faire bien ce métier, si l'on ne s'attache pas aux personnes !
Votre accueil me semble froid. Pourquoi choisir une famille d'accueil plutôt qu'un établissement ?
Si ce n'est pour la chaleur humaine !
Ma famille passe toujours avant nos accueillis, mais les repas sont pris en commun et riche en discussion. Et on apprécie tous !
Bien sûr nous nous vouvoyons mais nous nous appelons par nos prénoms et les contacts physiques tel que les bisous font parti de notre quotidien.
Je suis agréée depuis 2006, pour 3 personnes, aide soignante de formation. Nous avons déjà eu 4 décès. Je ne m'accord de tristesse que lorsque la personne est enterrée.
Mais lorsque nous accueillions une nouvelle personne, nous savons qu'elle est de passage dans nos vies et qu'elle partira ailleurs ou au ciel. Cette absence n'est pas immense mais provoque un vide.
Nous continuons à voir les familles des défunts comme des amis ou de la famille éloignée. Et ils n'hésitent pas à me recommander dès qu'ils le peuvent. La meilleure pub !
Mais peut être vous êtes  vous exprimés sur le coup de l'émotion refoulée.
Vous pouvez me croire, la vie est tellement plus riche lorsqu'on donne !
Non ce n'est pas qu'un métier, c'est beaucoup plus que ça !
Mon mari, ma fille et mon fils sont en accord avec mes paroles.
Cordialement.

marion

Bonjour Moka,

Je m'attendais à une réaction telle que la vôtre. Je suis quelqu'un de franc, et je pense que vous tombez dans le panneau comme beaucoup d'accueillants qui  font un peu un mélange de genre. Je suis également aide-soignante de formation, j'ai travaillé en soins de longue durée avec des personnes dépendantes, ainsi qu'en service de soins palliatifs pour cancéreux. Je suis proche des personnes en souffrance, et justement c'est là que la distance professionnelle prend tout son sens. Accompagner jusqu'au bout ces personnes là relève du dévouement et cela j'en suis consciente, mais chacun doit savoir que nous sommes faits de chair et de sang; et que pour faire ce métier avec bon sens, on doit se préserver.
J'entretiens de bons rapports avec les familles, mais j'essaie d'être franche avec eux !

Nous ne pouvons pas rendre leur jeunesse à nos accueillis, ni leur redonner l'autonomie perdue, ni la raison qui les a quittées.
Nous ne sommes pas des magiciens, ou si peu. L'expérience m'a apprise que je devais rester à ma place, et même si je porte de l'affection à mes accueillis, je dois me préserver. Chez moi, pas question de froideur, simplement je ne veux pas en faire trop sous peine d'en payer le prix fort. Je connais pas mal d'accueillants qui se reconnaitront dans ma façon de penser, ce n'est pas la vôtre et vous avez raison de l'exprimer.

Quand je souligne la distance professionnelle, je pointe du doigt une question délicate et qui n'a pas le même écho pour chacun, suivant le type de personnes que l'on prend en charge, suivant le vécu que l'on a derrière nous. J'ai appris avec le temps à réfréner mes ardeurs pour ne pas me laisser happer par ce métier, et quand je lis sur le forum de Famidac les témoignages d'accueillants qui sont fatigués et au bout du rouleau, je bondis de ma chaise.
Je ne sais pas si je me fait bien comprendre, les mots sont parfois maladroits et les formules toutes faites, mais je persiste : un accueil est réussi si tout le monde y trouve son compte et c'est mon cas.
Famidac est un pont entre nous, et c'est formidable de pouvoir se parler ainsi, même si nous ne sommes pas du même avis.
Cordialement, Marion.

cat

Bonjour Moka et Marion,

Permettez-moi de me joindre à votre intéressante conversation...

Vous dites que vous n'êtes pas du même avis, pourtant en vous lisant toutes les deux, je trouve tout au contraire que vous vous rejoignez beaucoup, même si vous vous exprimez différemment.
Une distance entre accueillants et accueillis, comme vous le dites Marion, est effectivement nécessaire. Mais cette distance qui fait que nous sommes des professionnels, n'empêche aucunement l'attachement, voire les bisous.  Bien au contraire d'ailleurs.

Si nous n'aimions pas nos accueillis, pour sur on tournerait vite chèvre et on changerait de métier, car comment partager le quotidien, nuit et jour avec quelqu'un qu'on ne pourrait pas voir en peinture? Pourtant, effectivement, nous avons le recul nécessaire afin de ne pas nous laisser "bouffer" par les besoins (affectifs surtout) de nos accueillis. Certaines pathologie étant plus terrible que d'autre sur le point de vue de l'attachement excessif de certains des accueillis ! Il nous faut vraiment cette distance qui fait que l'affection ne tourne pas à l'exclusivité, qui nous permet de continuer et de reprendre un autre accueilli après un décès et malgré un peu de peine quand même...  De plus, il ne faut pas oublier non plus que nos accueillis ont déjà une famille, et que malgré l'attachement, notre rôle n'est pas de prendre leur place, mais bien de les soulager, les soutenir, et même parfois les accompagner dans la perte d'autonomie de leurs proches

Voyez, je pense vraiment que vous avez toute deux la distance nécessaire à un bon accueil, sans pour autant que vos maisons soient froides...
Je pense par contre que le ras le bol de nombreux accueillants ne vient pas de cette distance qui ne serait pas respecté, même si ça arrive. A mon sens, le gros problème de notre métier qui est malgré tout difficile, physiquement parfois (selon l'état de dépendance des accueillis), et psychologiquement toujours, est et reste le manque de reconnaissance, et donc de soutien !

Tant que nous serons les seuls à penser que nous exerçons un métier et non pas une activité complémentaire de revenus, nous ne pourrons pas l'exercer sereinement car il y aura toujours, en plus de la difficulté "normale", le soucis d'un suivi difficile, d'un soutien inexistant, d'un agrément toujours sur la brèche, d'un chômage inexistant (qui pousse parfois à des accueils improbables), etc. ...

Bonne continuation dans vos accueils respectifs,
Claribel
Claribel

monneray gisèle

bonjour,
nouvelle venue sur le forum, je me dois de vous tirer mon chapeau; vous faites un métier formidable et je dis bien métier.Avant de demander mon agrément pour un accueil de jour, j'ignorais totalement l'existence des accueillants familiaux et à la suite d'un petit sondage personnel je m'aperçois qu'il en est de même pour les gens qui m'entoure y compris les professionnels.Il faudrait vraiment que la profession soit connue du grand public pour qu'elle acquiert ses lettres de noblesse, car inutile de compter sur les politiques ils ne se sentent pas concernés.J'essaye à mon niveau de remédier à ce manque d'information mais c'est sans doute une goutte d'eau.
Bon courage à toutes et tous.
Gisèle.