La dépression chez la personne âgée

Démarré par patoche86, 29 Septembre 2009, 11h46mn

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patoche86

Bonjour,
Je souhaiterais discuter de ce sujet sensible, recueillir vos témoignages et conseils.
J'accueille une dame de 88 ans. Celle-ci a été maintenue longtemps à domicile, mais est arrivé le moment où elle ne pouvait plus rester toute seule. Elle ne dormait pas la nuit, somnolait le jour, et quand elle sortait se promener elle ne retrouvait pas le chemin pour rentrer chez elle. La famille m'a contactée et j'ai pu accueillir cette dame.
Pour une personne de cet âge, le changement de lieu de vie est un premier traumatisme, difficile à digérer. Il lui a fallu du temps avant d'intégrer ce changement, nous lui avons expliqué qu'elle avait sa chambre chez nous désormais, qu'elle l'a loue, et qu'ainsi elle bénéficie d'une présence 24/24, surtout la nuit !!! c'est cela qui l'angoisse le soir. Il faut la rassurer constamment, je laisse la lumière allumée dans le couloir, elle peut m'appeler je suis là dans les secondes qui suivent.
Ensuite, vient le fait que la famille, finalement soulagée d'avoir pu trouver un lieu d'accueil, se sent normalement libérée, et est moins présente. La dame le ressent fortement.
A cela s'ajoutent les épreuves de la vie, la perte d'êtres chers, dont elle n'a jamais fait le deuil. Elle pleure très souvent, jamais très longtemps puisque je ne la laisse pas seule dans son coin, quand elle pleure je la convie à venir se changer les idées, en s'occupant un peu, en venant avec nous au salon, en sortant se promener quand il fait beau.
Enfin, après quelques nuits un peu agitées, nous avons convenu avec le médecin d'un traitement anxiolytique le soir, afin qu'elle puisse dormir, retrouver un rythme nycthéméral normal.
Tout cela cumulé, ça en fait des changements !
Une ligne de "coupure" nette est apparue, dès lors qu'elle a compris qu'elle ne retournerait plus chez elle. Depuis, elle est triste, abattue, perd un peu l'appétit. Je lui avais donné du fil et des aiguilles, elle s'y était remise avec joie, mais s'est vite rendue compte qu'elle ne pouvait plus tricoter comme avant (elle faisait un pull à la journée !). Alors elle s'est détournée du tricot. Elle affiche une profonde lassitude, est consciente de son état, de ses pertes de mémoire (la mémoire immédiate est profondément affectée). Elle ne lit plus, puisqu'elle ne se souvient de rien, elle ne regarde pas la télé, ça ne l'intéresse pas. J'arrive à l'occuper quand il faut peler fruits et légumes, quand il faut plier du linge, quand il faut aller faire une course, ou pour aller au potager, aux poules. Malgré cela, elle est très fatiguée, lasse de tout.
Je vous laisse la parole, pour vos témoignages, vos conseils, j'en ai bien besoin !!!!
merci :)

cat

Bonjour Patoche,

Je n'ai pas eu affaire encore à ce genre de situation, mais il y a quelque chose dans votre message qui m'interpelle.
Vous parlez de dépression, mais vous parlez aussi de problème de mémoire immédiate, et d'autres petits soucis.
Je ne dis pas que c'est ça, mais il faut savoir que  la maladie d'Alzheimer est souvent confondu avec une dépression, ce qui peut retarder un diagnostic. Peut-être vaudrait-il le coup de consulter un neurologue...
Tenez-nous au courant.
Cordialement,
Claribel

felicia

Bonjour,
Vous décrivez trés bien la  solitude de cette dame...
Lui a  t'on quelque part donné la parole, sa famille, une amie proche l'ont-elles écoutée ?
Vous dites " elle ne pleure jamais trés longtemps car je ne la laisse pas seule dans son coin"...
En plus d'une oreille attentive, la douleur a besoin d'être mise en mots, les larmes doivent couler si elles en ont besoin pour permettre aux deuils de se faire, à la douleur d'être apaisée...avec du temps. Et si vous instauriez la demi-heure  privilégiée, régulière, rien que vous deux, sans être dérangées, dans un endroit agréable, avec le petit café et les petits gâteaux, pour créer l'intimité et la confiance..? Et puis laissez la dire , écoutez là. C'est bien de lui trouver plein d'occupations qui pourraient la distraire...Mais il me semble qu'elle est est trop en souffrance pour s'intéresser à quelque chose...Dans cette situation  ( j'ai eu cas semblables) c'est ce que je tenterais, tout en consultant tout de mème le neurologue, car il y a aussi ces signes précis...
Bon courage, et nous attendons des nouvelles de votre mamie..

patoche86

Bonjour Felicia et Cat,

Felicia, l'oreille est attentive, oui, et la douleur mise en mots : quand elle pleure, je ne la laisse pas seule, car alors elle se replie dans sa souffrance, ensuite je m'assieds près d'elle et nous parlons. Ce sont toujours les mêmes choses qui reviennent, mais cela lui fait du bien. Sa parole une fois reçue et entendue, elle peut passer à autre chose. Alors soit elle s'occupe par elle-même, par ex. elle va ranger son armoire, soit nous nous attelons ensemble à une tâche, à sa mesure. Plier du linge, peler des pommes, confectionner une tarte. Des petites choses toutes simples dont elle avait l'habitude, et que je maintiens. Elle y prend plaisir, cela est important, le plaisir, entretenir l'envie et le désir. Elle le formule bien : "je n'ai pas été habituée à la fainéantise".
En milieu d'après-midi, il y a la collation, nous prenons un thé, une tisane, je lui propose ce qu'elle aime, nous restons ensemble à goûter et discuter pendant une demi-heure.
Ces moments privilégiés sont nombreux dans la journée, bien sûr, mes enfants sont à l'école, mon mari travaille. Je ne conçois pas de la laisser seule pendant que je m'occupe à ma maisonnée, c'est carrément à l'encontre de l'idée que je me fais de l'accueil familial. Question de déontologie ;)
Quant à faire le deuil des personnes chères disparues, est-ce possible à son grand âge ?
Des personnes décédées depuis fort longtemps, elle ne les oublie pas, d'ailleurs on n'oublie jamais :)
La mémoire ancienne est préservée, la mémoire immédiate atteinte, ce qui peut se comprendre aisément.

Cat, vous soulevez l'hypothèse d'un début de maladie d'Alzheimer. Je vous remercie d'attirer mon attention là dessus ;)
Son médecin m'a informé d'un début de démence, pas forcément Alzheimer, mais dans le doute effectivement une consultation avec un neurologue sera à envisager.....

Il y a des jours "avec" et des jours "sans".... selon sa disponibilité j'adapte le programme de la journée.
Elle commence à prendre conscience qu'ici est sa maison, ça demande un énorme effort d'adaptation et d'intégration, qui n'est pas aisé vu son grand âge.

Je vous souhaite un bon dimanche, et vous donnerai des nouvelles sous peu.
Patoche.

Félicia 38

C'est un plaisir de vous lire, chère Patoche, et d'imaginer les journées avec votre mamie...
Alors effectivement, j'ai l'impression que certaines choses ne sont plus de votre ressort, et que vous n'y pouvez rien... c'est la vie de votre mamie...
Il me semble que vous ne pouvez maintenant que cultiver soigneusement  ce lien que vous avez créé avec elle, rester attentive, vigilante, affectueuse...
Au médecin peut-être de vous aider afin qu'elle soit moins en souffrance et plus détendue ??
Donnez nous des nouvelles...
Bien amicalement
Félicia 38

patoche86

Bonjour Cat, Bonjour Felicia,

Je travaille étroitement avec son médecin traitant :) lequel est très à l'écoute, tant des besoins de mon accueillie que de ceux de notre famille. Inutile de vous dire combien c'est appréciable. Elle bénéficie d'un traitement pour calmer ses angoisses nocturnes, le temps passant elle prend un rythme nycthéméral normal, arrive à passer des nuits complètes, est dispo pour la journée suivante. C'est à dire que nous avons réussi à inverser le rythme jour/nuit qui était totalement à l'envers lorsqu'elle vivait encore seule chez elle, à savoir qu'elle dormait le jour et déambulait la nuit.
Concernant la suspicion d'un début de maladie d'Alzheimer, son médecin m'a informé qu'il n'en était rien, mais qu'elle souffrait d'une démence dite "vasculaire".

Voilà pour les nouvelles ;)
Une bonne journée à toutes.
Patoche.

patoche86

Bonjour,

Je reprends le fil de cette discussion, déjà ancienne.

J'ai actuellement un monsieur âgé de 86 ans, arrivé chez nous suite à 8 ans de veuvage et une grosse dépression avec un laisser-aller final qui s'est soldé par une hospitalisation. Il n'a pas de traitement anti-dépresseur.
Depuis quelque temps, il devient de plus en plus difficile de lui faire une remarque, de lui poser une question simple, sans que ça parte en vrille. Alors il s'exclame, s'offusque, voire pousse des hauts cris, tente de détourner l'attention sur un autre sujet, et ne répond jamais à la question...
Dernier exemple en date ce matin : "vous avez fait votre toilette, oui ? bien, vous vous êtes lavé avec quoi ? je vous pose cette simple question, car le savon est sec..."
On n'a pas pu savoir, avec quoi il s'était lavé, les savonnettes étant dans un placard et il n'y a pas touché. Et le ton s'est un peu échauffé... Je lui ai finalement demandé s'il se sentait bien chez nous, s'il souhaitait rester, ou pas. Puisque les relations se tendent, on peut se poser la question.
Ce à quoi il a répondu, sans répondre à ma question : "de toute façon, c'est vous qui voulez me fiche dehors !"
J'ai mis fin à cette discussion qui n'en est pas une.

Outre ce sentiment de persécution, c'est un monsieur un peu manipulateur, qui a tendance à prendre les gens "pour des billes"
Il est par ailleurs trop curieux, m'obligeant à ne pas laisser traîner de dossiers, papiers, agendas sur la table du salon, car il fouille dedans.
Il manifeste beaucoup de méfiance, par rapport à la nourriture en ne mangeant que certains aliments triés sur le volet, et peu nombreux
De même, il emporte systématiquement toutes ses affaires de toilette et ne laisse rien dans la SDB, mais par contre il ne se gêne pas pour se servir des serviettes des autres, ou taper dans l'eau de Cologne de mon autre accueillie, ce qui m'a obligé à tout mettre sous clé. Et si je lui demande, ou le lui fait remarquer, il s'écrie et s'offusque, "c'est pas moi c'est pas vrai !"

Mais je me pose la question, de savoir si ce qui ressemble à un sentiment de persécution, n'est pas le corollaire de sa dépression non soignée ?
Ou bien, n'est-ce pas le signe d'un début de démence sénile ? Souvent confondue avec la dépression...

Je pense faire le point avec sa famille, pour décider de la suite de la prise en charge, ici si on trouve une solution, ou ailleurs...
Merci de vos conseils, partages d'expérience, tout ce qui pourra m'aider à y voir plus clair :)

Bonne journée
Patoche

sema

Bonjour Patoche,

Un sujet effectivement interpellant !
Il concerne également les personnes en situation de handicap, avec une déficience intellectuelle et troubles associés.
Je partage vos qualités d'observation et d'analyses dans cette situation. Le dialogue avec la personne est importante, même si c'est compliqué dans l'échange. Vous pouvez, en tant qu'accompagnatrice dans la vie quotidienne de ce Monsieur, exprimer clairement et avec détermination, ses incohérences, son mal-être repéré. C'est un constat, même si ce Monsieur est dans le déni, ou dans la manipulation.

Je pense qu'à ce niveau-là, il serait judicieux de consulter un médecin assez rapidement.  Car effectivement, nous pouvons être dépassés par des comportements troublants de nos accueillis, et nous ne sommes pas psychiatres ou autre professionnel de la santé.
Nos observations, nos réflexions peuvent alimenter, expliquer ceci ou cela, et permettent peut-être à "poser" un diagnostic médical.

Personnellement, je n'hésite pas à interpeller les différents partenaires pour expliquer le changement de comportement ou autre.
Cela est plus rassurant pour tout le monde, y compris la personne accueillie, qui reste souvent dans le déni, consciemment ou inconsciemment. Elle n'a pas toujours la capacité de se rendre compte, ou bien, la capacité de l'exprimer.

C'était juste mon petit avis.

Bonne continuation
Sema